vendredi 15 mars 2024

Les Nibelungen


Les Nibelungen
 
Siegfried, fils du roi Siegmund de Xanten, termine son apprentissage chez le nain Mime. Il forge une magnifique épée. Désormais, il peut retourner chez lui, mais l'ambitieux jeune homme veut se rendre à Worms, capitale des Burgondes, pour conquérir la belle Kriemhild, sœur du roi Gunther. Traversant une forêt, il triomphe d'un dragon. Suivant les conseils d'un oiseau, il se trempe dans le sang du dragon qui le rend invulnérable à l'exception d'un endroit de son épaule où s'est posée une feuille de tilleul. Son voyage le mène ensuite sur le territoire des Nibelungen et s'empare du trésor volé aux filles du Rhin par le roi des Nains, Alberich, ainsi que du heaume magique (en fait un camail) qui lui permet de prendre n'importe quelle apparence. Déjouant une ruse du méchant nain, Siegfried le tue mais celui-ci a le temps de maudire tous ceux qui détiendront le trésor.
 

Les Nibelungen
Réalisation : Fritz Lang
Scénario : Thea von Harbou
Musique : Gottfried Huppertz, Richard Wagner
Production : Decla-Bioskop
Genre : Aventure, Fantastique, Drame
Titre en vo : Die Nibelungen
Pays d'origine : Allemagne
Langue d'origine : allemand
Date de sortie : 14 février 1924
Durée : 288 mn

Casting :
Margarete Schön : Kriemhild de Burgondie
Paul Richter : Siegfried de Xanten
Hans Adalbert Schlettow : Hagen de Tronje
Hanna Ralph : la reine Brunhild d'Islande
Theodor Loos : le roi Gunther de Burgondie
Gertrud Arnold : la reine Ute de Burgondie
Georg John : Mime, le maréchal-ferrant / Alberich le Nibelung / Blaodel (le frère d'Attila)
Hans Carl Mueller : Gerenot de Burgondie
Erwin Biswanger : Giselher de Burgondie
Bernhard Goetzke : Volker d’Alzey
Hardy von François : Dankwart
Frida Richard : la liseuse des runes
Yuri Yurovsky : le prêtre
Iris Roberts : l'enfant
Fritz Alberti : Dietrich de Bern
Hubert Heinrich : Werbel
Rudolf Klein-Rogge : le roi Attila
Georg August Koch : Hildebrandt
Rudolf Rittner : Rüdiger de Bechlarn
Grete Berger : une femme du peuple des Huns
 
Mon avis :
 Après vous avoir parler de ces deux petits bijoux du cinéma expressionniste allemand que sont Nosferatu le Vampire et Le Golem, intéressons nous, a présent, a celui qui restera a jamais comme étant le plus grand des réalisateurs germaniques, je veux, bien entendu, parler du célèbre Fritz Lang et, en guise d’entrée en matière, débutons par ce qu’il faut bel est bien appeler un chef d’œuvre, Les Nibelungen. Longtemps invisible et auréolé d’une sombre réputation du fait de sa récupération par le Troisième Reich, ce dernier est un monument absolu, que dis-je, un chef d’œuvre intemporel du Septième Art qui cent ans après sa sortie demeure toujours aussi époustouflant et moderne. Datant de 1924, Les Nibelungen qui s’ouvre sur l’intertitre Au peuple Allemand, est, sans conteste, un éloge du nationalisme allemand, ce, dans un contexte tourmenté de crise financière et politique dans un pays encore marqué par sa défaite durant la Première Guerre Mondiale et qui avait besoin de héros pour redorer son blason. Ainsi, alors que Fritz Lang s’exile vers les États-Unis dès 1933 et l’arrivée  au pouvoir d’Adolf Hitler, peu après la sortie du Testament du Docteur Mabuse qui sera interdit par le nouveau régime, l’État Nazi ressort alors la première partie du film, Siegfried, dans une version sonorisée, raccourcie et modifiée pour mieux coller à son idéologie, ce, tout en dédaignant la seconde partie, bien plus ambigüe. Encore présenté de nos jours comme étant un film de propagande par des historiens, il serait toutefois regrettable de ne le réduire qu’à cet aspect tant la dimension artistique du film semble avoir inspiré une part importante du cinéma mondiale, de l’Heroic Fantasy en passant par le fantastique. Ainsi, ce qui saute aux yeux du spectateur en 2024, c’est, tout d’abord, l’effarante modernité de l’œuvre : tout y est déjà ! Les scènes d’action sont incroyablement rythmées et lisibles, les effets spéciaux, pour l’époque, demeurent des moments de bravoure stupéfiants entre ce dragon cracheur de feu long de sept mètres, une insensée mer de flammes protégeant le royaume de Brunhild, un dessin animé, Le rêve du Faucon, prédisant la chute de Siegfried tout comme cet arbre en fleur, symbolisant la vitalité du héros, qui dans un plan incroyable se transforme peu à peu en un crâne symbolisant sa mort… Aussi bien inspiré par l’expressionnisme allemand et les toiles de maîtres comme Casper David Friedrich que par les autres films colossaux de l’époque, Les Nibelungen déploient des décors somptueux et gigantesques réalisés notamment par le chef décorateur Otto Hunte, et qui avaient d’ailleurs subjugué un jeune visiteur du tournage, un certain Alfred Hitchcock. Des décors majestueux qui seront d’ailleurs réellement brûlés lors du final apocalyptique se déroulant durant la seconde partie, La Vengeance de Kriemhild. Oublié par l’État Nazi, ce second volet dépeint la terrible vengeance de la femme de Siegfried prête à tous les sacrifices et compromissions pour se venger de ses propres frères qui avaient assassiné le héros. Tourné en grande partie de nuit, fait rare à l’époque, ce final dépeint une véritable hécatombe causée aussi bien par l’inutilité d’une vengeance que par une loyauté inflexible qui se paye ici particulièrement cher. Inspiré de la Chanson des Nibelungen, récit médiéval utilisé au début du vingtième siècle pour symboliser le nationalisme allemand, l’œuvre de Lang prend toutefois ses distances de l’opéra de Richard Wagner. En effet, ici point de dieux mais seulement des hommes et des femmes (qui tiennent ici des rôles prépondérants), tour à tour héroïques et fidèles mais aussi lâches et machiavéliques. Soutenu par une formidable bande originale signée Gottfried Huppertz et de grands acteurs du cinéma allemand de l’époque comme le Docteur Mabuse Rudolf Klein-Rogge ici en Attila, Les Nibelungen s’avère être une réussite totale et grâce à la restauration délicate réalisée se montre ici sous son plus beau visage et dans une version sans doute proche de l’originale. Un régal de cinéphile à ne louper sous aucun prétexte !
 

Points Positifs
 :
- Un monument absolu du Septième Art qui n’a strictement rien perdu de sa force un siècle après sa sortie. Grandiose, stupéfiant dans sa conception, d’une longueur peu commune pour l’époque, d’une richesse étonnante, servi par des décors magnifiques et un casting cinq étoiles, Les Nibelungen s’avère être un des plus grands films de l’histoire du cinéma allemand, ce, tous genres confondus.
- Inspiré par la Chanson des Nibelungen, récit médiéval germanique datant du début du Moyen-âge mais aussi par l’opéra de Richard Wagner, Les Nibelungen s’avère être une excellente adaptation dont la principale différence est que, ici, l’accent est mis sur les protagonistes humains du récit tandis que les dieux, eux, brillent par leur absence.
- Un film, deux parties, Siegfried et La Vengeance de Kriemhild. En tout, près de cinq heures de pur bonheur pour une œuvre tout simplement intemporelle.
- Des décors tout simplement somptueux, une audace visuelle de tous les instants, des effets spéciaux étonnants pour l’époque, sans oublier, le coté expressionniste qui fait de ce film un des plus beaux représentants du genre.
- Un casting, pour l’époque, naturellement, que l’on peut qualifier de cinq étoiles avec de grands noms du cinéma germanique comme Margarete Schön, Paul Richter, Hans Adalbert Schlettow, Hanna Ralph, Theodor Loos et Friedrich Rudolf Klein-Rogge pour ne citer que les plus connus.
- Si l’intrigue peut apparaitre comme étant plutôt simple, a priori, puisque celle-ci s’inspire d’une célèbre légende germanique, le scénario est nettement plus ambigu qu’on pourrait le penser de prime abord.
- Un long métrage qui aura inspiré bien d’autres œuvres du même genre et à qui la Fantasy moderne doit énormément, c’est un fait !

Points Négatifs :
- Bien entendu, Les Nibelungen n’est absolument pas un film destiné au grand public et il faut reconnaitre que, avec son siècle d’existence, celui-ci, actuellement, n’est uniquement destiné qu’à une petite frange du public que l’on qualifiera de connaisseurs…
- Certains risquent de voir dans ce long métrage une œuvre de propagande qui, finalement, servira énormément l’état Nazi. Naturellement, les choses sont bien plus compliquées qu’on pourrait le penser de prime abord…

Ma note : 9,5/10

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