vendredi 15 mars 2024

Metropolis


Metropolis
 
En 2026, Metropolis est une mégapole dans une société dystopique divisée en une ville haute, où vivent les familles intellectuelles dirigeantes, dans l'oisiveté, le luxe et le divertissement, et une ville basse, où les travailleurs font fonctionner la ville et sont opprimés par la classe dirigeante. Un savant fou, l’hybride Rotwang, met au point un androïde à l’apparence féminine, lequel sera chargé d'exhorter les ouvriers à se rebeller contre le maître de la cité, Joh Fredersen, ce qui permettra à celui-ci de les mater. Maria, une femme de la ville basse, essaie de promouvoir l'entente entre les classes, et emmène clandestinement des enfants d'ouvriers visiter la ville haute. Le groupe se fait repousser par les forces de l'ordre, mais Freder Fredersen, fils du dirigeant de Metropolis, tombe amoureux d'elle. En descendant dans la ville basse pour la retrouver, il voit un ouvrier épuisé défaillir à son poste de travail. Le rythme imposé par les machines étant trop élevé, une violente explosion se produit sur la machine M, tuant des dizaines de travailleurs. Dans la fumée, Freder a une hallucination et voit la machine M se transformer en Moloch, une divinité monstrueuse à laquelle les travailleurs infortunés sont sacrifiés.
 

Metropolis
Réalisation : Fritz Lang
Scénario : Fritz Lang, Thea von Harbou
Musique : Gottfried Huppertz
Production : Universum Film AG
Genre : Science-Fiction, Fantastique
Titre en vo : Metropolis
Pays d'origine : Allemagne
Langue d'origine : allemand
Date de sortie : 10 janvier 1927
Durée : 153 mn

Casting :
Alfred Abel : Joh Fredersen, le maître de Metropolis
Brigitte Helm : Maria / l'androïde
Gustav Fröhlich : Freder, le fils de Joh Fredersen
Rudolf Klein-Rogge : Rotwang, l'inventeur
Theodor Loos : Josaphat, le bras droit de Joh Fredersen / Joseph
Fritz Rasp : l'espion de Joh Fredersen, grand et mince
Erwin Biswanger : Georgy, ouvrier no 11811
Heinrich George : Grot, le contremaître, gardien de la machine centrale
Hanns Leo Reich : Marinus
Grete Berger : une travailleuse
Olly Boeheim : une travailleuse
Ellen Frey : une travailleuse
Lisa Gray : une travailleuse
Rosa Liechtenstein : une travailleuse
Helene Weigel : une travailleuse
Heinrich Gotho : le maître de cérémonie
Olaf Storm : Jan
 
Mon avis :
 Dans ma critique précédente, je vous avais parlé, pour la toute première fois, d’un long métrage du sieur Fritz Lang, sans nul doute et, sans exagération aucune, le plus grand réalisateur de l’histoire du cinéma germanique. Et donc, après l’excellent pour ne pas dire exceptionnel Les Nibelungen, il est temps, a présent, de m’attaquer a ce qui est un des plus grands films de l’histoire du Septième Art, je veux, bien entendu, parler de Metropolis. « Lorsque j’ai lu pour la première fois le manuscrit de Thea von Harbou, j’ai tout de suite compris que le travail qui m’attendait allait de très loin dépasser mes précédentes réalisations » déclara Fritz Lang. Metropolis la futuriste ne pouvait qu’être le fruit de l’imagination, car il n’existait pas de style moderne qui exprimait la complexité de cette mégalopole. Le projet fut, sans surprises, gigantesque, la ville fut un mélange de modèles réduits, de trucages et de décors. Gratte-ciel art déco, autoroutes et jardins suspendus, Tour de Babel composèrent donc le cœur de la cité. Cette modernité apparente eut, naturellement, un prix : elle ne pouvait vivre que par le biais de la sueur et du sang de milliers d’ouvriers qui se tuaient littéralement à activer des machines qui ne produisaient rien, mais qui réclamaient leur lot quotidien de morts et de blessés. Dans la ville basse, des équipes de nuit exténuées croisaient des équipes de jour qui se jetaient dans les ascenseurs qui les menaient à M, la machine centrale. M comme Metropolis, M comme Mutter, M comme Moloch, la divinité païenne des Phéniciens et des Ammonites. Comme l’antique Moloch-Baal, la machine avalait ses enfants, se délectait de leur chair. Toute mauvaise manipulation des leviers étant, fatalement, sanctionnée sur le champ. C’est ce que découvrira le jeune Freder quand il descendra dans les souterrains à la recherche de Maria, inoubliable Brigitte Helm. Si les ouvriers symbolisaient bien entendu le prolétariat opprimé par le capitalisme, Maria, elle, représentait le renouveau, la virginité et la foi. Maria réconfortait les masses oppressées, elle prêchait dans les catacombes de Metropolis, véritable chapelle qui rappelait les lieux de rencontre des premiers chrétiens. Elle offrait un espoir qui effrayait le dirigeant, concepteur de la cité, Joh Fredersen, père du jeune Freder. Le prénom Joh, naturellement, renvoyant à Jéhovah, le Dieu biblique. Monopoliste et dictateur, Fredersen contrôlait Metropolis de son bureau, entouré de consoles et de téléphones de surveillance. Tel un leader moderne, il régnait grâce à la communication et l’information. Bien évidement, ici, Fritz Lang jouait avec la symbolique religieuse. Derrière chaque pan de la ville, chaque habitant se dissimulait une métaphore. A ces références bibliques, le maître allemand ajouta la psychanalyse, une forme de pendant à la spiritualité. Relation au père et à la mère, complexe d’Œdipe tourmentaient Freder et les personnages principaux : Fredersen, Maria et Rotwang. Le sacré qui était incarné par Maria fut bafoué par Fredersen et le savant fou Rotwang. A eux deux, ils créèrent un doppelgänger de la vierge à partir d’un androïde féminin. La virtuosité de Lang explosa lors de cette traque effrénée menée par un Rotwang qui pourchassa Maria de sa lampe torche dans les catacombes. Si le film aura usé de très nombreux plans fixes, cette scène permis à Lang de multiples travellings. Un mouvement perpétuel qui se conclut par l’hallali. Lang se permettra une autre expérience de pur cinéma lors de la danse des voiles effectuée par la fausse Maria dans le Yoshiwara, le club des jeunes gens de bonne famille de la ville. Lang nous offrant alors un montage rythmé, empreint de modernité et visuellement époustouflant. Naturellement, ces scènes magnifiques préfigurèrent la catastrophe à venir. La fausse Maria déclencha la révolte. Les ouvriers, ivres de rage, détruisirent la machine centrale. Le chaos recouvra Metropolis. Finalement, c’est l’amour qui viendra à bout de l’entropie. Maria et Freder parvinrent à convaincre Fredersen que le cœur doit servir de médiateur entre la main et la tête. L’anti-technologie, les sentiments, l’emportant sur la modernité et ses moyens de production. Bien entendu, les exégèses de Metropolis sont légion. Ses interprétations sont multiples. Tout le monde a une idée de Metropolis, mais que faut-il y voir au juste ? Certainement pas le film écrit par Thea von Harbou en 1924 et mis en scène par Fritz Lang en 1926, puisqu’il n’existe plus depuis 1927. Il reste un film populaire, le plus connu et le plus regardé des films allemands. L’oméga de l’expressionnisme cinématographique. Un chef-d’œuvre qui continue d’inspirer les cinéastes modernes, que ce soit à travers Ridley Scott et son Blade Runner ou plus récemment avec les frères Wachowski et leur trilogie Matrix. Subsiste un film fondateur, certes incomplet à moins que ne survienne un jour un miracle, mais qui aura, sans aucune discussion possible, marquer l’histoire du Septième Art à tout jamais…
 

Points Positifs
 :
- Un des plus grands films de l’histoire du cinéma, tout simplement. Il faut dire que, malgré presque un siècle d’existence, Metropolis, même incomplet, n’en reste pas moins comme étant un chef d’œuvre absolu qui n’a strictement rien perdu de sa force et de son intensité, ce, malgré le temps écoulé. Chef d’œuvre intemporel aux multiples thématiques, il reste, encore aujourd’hui, le plus beau représentant d’un genre cinématographique tombé en désuétude depuis bien des décennies.
- Fritz Lang au sommet de son art et qui nous livre, tout simplement, une œuvre d’une profondeur peu commune, il faut en convenir. Visionnaire, époustouflante, terrifiante au vu de sa thématique de par son propos, Metropolis étonne encore le spectateur, quand a son final, peut-être un poil trop optimiste, il n’en reste pas moins excellent et, ma foi, c’est plutôt une bonne chose d’avoir un peu d’espoir par moments…
- L’expressionisme allemand au sommet de son art. Il faut dire que la cité de Metropolis, tentaculaire, inquiétante, a l’architecture folle, est probablement le summum du genre et, au passage, aura inspiré bien d’autres réalisateurs et autres créateurs d’univers dystopique par la suite.
- Masses oppressées par un travail abrutissant, élites vivant dans un autre monde fait de loisirs, symbolismes religieux, figure christique, nombreuses sont les thématiques présentes dans Metropolis, une œuvre bien plus profonde qu’on pourrait le penser de prime abord.
- Un casting cinq étoiles, bien entendu, même s’il faut être un spécialiste du cinéma germanique de l’entre deux guerres pour connaitre tout ce petit monde. Mention a Brigitte Helm qui est, naturellement, la grande figure de ce film.
- Décors grandioses, symbolisme écrasant de cette cité tentaculaire qui dévore, dans tous les sens du terme, ses habitants.
- Des effets spéciaux tout simplement stupéfiants si, naturellement, on se remet dans le contexte de l’époque.

Points Négatifs :
- Malheureusement, nous ne connaitrons probablement jamais Metropolis tel qu’il est sortit, en 1927, une partie des pellicules initiales étant perdues a jamais. Reste une œuvre majeure pour ne pas dire exceptionnelle mais qui n’en reste pas moins incomplète.
- Bien entendu, Metropolis n’est absolument pas un film destiné au grand public et il faut reconnaitre que, avec son siècle d’existence, celui-ci, actuellement, n’est uniquement destiné qu’à une petite frange du public que l’on qualifiera de connaisseurs…

Ma note : 10/10

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