M
le Maudit
Dans
une cité ouvrière, une mère attend impatiemment le retour de sa fille de
l'école, mais un inconnu, dont seule l'ombre apparaît à l'écran, réussit à
attirer l'enfant en lui offrant un ballon de baudruche. Après avoir découvert
le cadavre de la petite, la police intensifie ses efforts de recherche, en
vain. Des avis de recherche sont lancés et une récompense est promise. Les
habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les dénonciations
anonymes font croître la tension et les policiers sont à bout de force. Cependant,
les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans
leurs affaires. Aussi la pègre locale décide-t-elle, sous la direction de
Schränker, de chercher elle-même le meurtrier et utilise dans ce but le réseau
des mendiants.
M le Maudit
Réalisation : Fritz
Lang
Scénario : Fritz
Lang, Thea von Harbou, Paul Falkenberg
Musique : Edvard
Grieg
Production : Nero-Film
Genre : Thriller,
Drame
Titre
en vo : M, Eine Stadt sucht einen
Mörder
Pays
d'origine : Allemagne
Langue
d'origine : allemand
Date
de sortie : 11 mai 1931
Durée : 117
mn
Casting :
Peter
Lorre : Hans Beckert, alias M
Ellen
Widmann : Mme Beckmann
Inge
Landgut : Elsie Beckmann
Otto
Wernicke : Commissaire
Karl Lohmann
Theodor
Loos : Inspecteur Groeber
Gustaf
Gründgens : Schränker,
chef de la pègre
Friedrich
Gnaß : Franz, cambrioleur
Theo
Lingen : l'arnaqueur
Fritz
Odemar : le tricheur
Paul
Kemp : le pickpocket
Rosa
Valetti : l'aubergiste
Hertha
von Walther : la prostituée
Elisabeth
Neumann-Viertel : la jeune
prostituée
Hanna
Maron : la petite fille
Klaus
Pohl : le témoin / le borgne
Mon
avis : Quatre ans après avoir réalisé le
chef d’œuvre qu’est Metropolis,
Fritz Lang se lance dans le cinéma parlant en cette lointaine année 1931. Une
première incursion dans un art qui s’est profondément métamorphosé en très peu
de temps, avec de nouveaux codes, que le cinéaste va très rapidement
s’approprier. M le Maudit, c’est l’histoire d’une ville en proie à la
folie meurtrière d’un inconnu qui s’en prend à des enfants au hasard en les
attirant et en les tuant. C’est notamment la disparition et, très probablement,
le meurtre d’une petite fille qui va soulever la colère de la population, et la
faire réagir à l’unisson. D’un côté la police, amenée à faire son devoir, se
voit en charge de mener de vastes rafles afin de dénicher le mystérieux tueur.
De l’autre, la pègre, voyant la terreur qu’incite le tueur au sein de la
population, et la menace que cela représente pour le bon fonctionnement de
leurs affaires, se voit également dans le besoin de réagir afin de défendre ses
intérêts. Le film se concentre donc sur cette vaste chasse à l’homme, d’un
prédateur sexuel, qui va finalement aboutir à un simple modeste personnage
apeuré, presque ingénu. La façon dont est menée l’enquête nous fait suivre la
population dans la colère qui l’habite, et on a envie de voir le terrible
pervers tueur d’enfants se faire coffrer et recevoir la punition qu’il mérite.
Au final, on tombe sur un bonhomme simplement fou, habité par des pulsions
qu’il ne contrôle pas, nous faisant simplement imaginer le bonhomme innocent et
tranquille qu’il serait sans cette folie qui l’habite. On arrive alors à un
vrai mur : comment ne pas comprendre ceux qui veulent voir cet individu payer
pour ses crimes, mais comment, quelque part, malgré tout, ne pas avoir pitié de
lui ? Il convient de rappeler que M le Maudit est le premier
film parlant de Fritz Lang, et si l’arrivée du cinéma parlant a considérablement
bouleversé les codes du Septième Art, le cinéaste allemand a rapidement su
comment se les approprier et les exploiter pour donner vie à son film. Ici, le
son est surtout un facteur d’emphase, intervenant pour mettre en évidence des
détails essentiels, comme la mélodie sifflée par le tueur, ou, au contraire,
souligner l’absence d’une petite fille qui tarde à rentrer chez elle. Allant
jusqu’à rendre muettes certaines séquences, Fritz Lang plonge son film dans une
atmosphère particulière, dans un silence assourdissant comme dirait Albert
Camus, d’où émanent des clameurs et de longs débats, où le son est là pour
mettre en évidence ce qui doit être observé. Incontestablement, M le Maudit pointe du doigt un phénomène
encore courant aujourd’hui, où les événements sensationnels, relayés par les
médias, alimentent et inspirent la création de bouc-émissaires, centre de
préoccupation du peuple, qui trouve en cette haine un os à ronger pour plonger
dans le piège pervers de l’insatiable quête de satisfaction. Constatant l’année
de sortie du film, impossible de ne pas penser à la montée du Nazisme. Fritz
Lang joue sur une ambiguïté permanente, entre l’application d’une justice
expéditive, méritée, pour ce tueur d’enfants, et d’une véritable justice
capable de considérer la pathologie dont il est victime. Le cinéaste propose
ainsi le tableau d’une humanité déchirée et complexe, avec ses vertus et ses
travers, ses justices et ses injustices, la foule, comme dans Les
Nibelungen et Metropolis auparavant, devenant le
véritable catalyseur de la rage des Hommes.
Points Positifs :
-
Premier film parlant du grand Fritz Lang, M
le Maudit est, incontestablement, une de ses plus belles réalisations.
Ainsi, davantage qu’un simple triller, ce long métrage, bien plus profond qu’on
pourrait le penser de prime abord, nous amène à réfléchir sur les multiples
formes du mal, bien entendu, mais aussi sur la folie destructrice des foules
humaines.
-
Le tueur d’enfants est, incontestablement, un des plus grands assassins de l’histoire
du cinéma mais aussi, finalement, un des plus pathétiques. Vous pensiez avoir
affaire à un meurtrier sans scrupules ? A la place, vous avez droit à un
pauvre type d’une banalité affligeante.
-
L’ambigüité ressentie par le spectateur face à ce tueur d’enfants qui apparait
davantage comme étant un individu paumé que comme un génie du mal.
-
Une œuvre complexe qui amène le spectateur à réfléchir et qui, encore aujourd’hui,
est d’une brulante actualité quand au rôle des médias et le besoin de se créer
des boucs émissaires…
-
Décors, ambiance, a quoi, bien entendu, il faut ajouter l’utilisation du son et
des paroles, grande nouveauté pour Fritz Lang dans ce film et, accessoirement, nouveauté
maitrisée d’une main de maitre.
Points Négatifs :
-
Bien entendu, M le Maudit n’est
absolument pas un film destiné au grand public et il faut reconnaitre que, avec
son siècle d’existence, celui-ci, actuellement, n’est uniquement destiné qu’à
une petite frange du public que l’on qualifiera de connaisseurs…
Ma note : 8,5/10
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